Graine d'Opep: un plan russe

L'AVIS DE L'EXPERT: Hélène Morin, responsable du bureau de Kiev de la société de conseil Agritel, décrypte les enjeux du projet d'une sorte d'Opep des céréales regroupant la Russie,  l'Ukraine et le Kazakhstan. L'idée émane de Moscou.

 

 

 

 

 

 

 

Les 6 et 7 juin 2009 s’est tenu à Saint-Pétersbourg le premier forum céréalier mondial, lancé à l’initiative du président russe Dimitri Medvedev.

A un mois du lancement des récoltes de blés dans  les régions de l’hémisphère Nord, les débats se sont focalisés sur la sécurité alimentaire et les échanges de céréales à l’international.

Les pays de la Mer Noire, au premier desquels la Russie, ont réaffirmé leur rôle prépondérant dans la production et le commerce des céréales. Leur potentiel de production est en effet colossal et leur permet de se vanter d’être le grenier à blé du monde. Leurs récoltes de blé en 2008 en attestent. Elles ont représenté plus de 15% de la production mondiale.

Ce grenier montre toutefois des signes de porosité : l’irrégularité des récoltes est encore très forte dans ces pays. Il y a un an les récoltes de blé de la Russie, du Kazakhstan et de l’Ukraine ne représentaient que 13% des volumes mondiaux. Cette irrégularité sur les volumes sortis du champ a un impact direct et violent sur la part dédiée à l’exportation. Alors que sur la campagne 08/09, ces trois leaders de la Mer Noire s’accaparaient 25% des parts de marché exports, sur la campagne 07/08  cette part s’affichait timidement à 19%.

En raison de, ou malgré, ces irrégularités, ces trois pays discutent très étroitement du lancement d’un pool céréalier commun, qui viserait à asseoir leur influence et leur reconnaissance sur le marché mondial. Le développement de ce pool pourrait passer  par une coordination des collectes de céréales et de leurs reventes à l’export. L’enjeu est de taille et non sans quelques zones d’ombres.

Pour la Russie, la stratégie sous-jacente semble assez claire : ce pool lui permettrait de se créer une voie sécurisée à travers l’Ukraine et le Kazakhstan  pour valoriser ces céréales sur les marchés de l’Europe et de l’Afrique d’une part et, de l’Asie d’autre part. L’Ukraine et le Kazakhstan sont plus partagés sur l’intérêt de participer à cette association. D’un côté ces deux pays ont la volonté de se détacher du grand frère russe depuis la chute de l’Union soviétique ; de l’autre ils aspirent à être reconnus comme un acteur de poids à l’international, ce qu’autoriserait la création du cartel.

L’idée de ce regroupement par certains points de vue est alléchante, mais la route risque d’être longue avant sa concrétisation. Les améliorations souhaitées sur les exports des céréales de la Mer Noire sont encore très nombreuses. Elles concernent certes les débouchés, mais aussi la qualité, la traçabilité, la transparence des prix… En outre, les préoccupations agricoles risquent de ne pas être les uniques motifs de discussion des modalités de mise en œuvre, les conflits sur le gaz entre l’Ukraine et la Russie notamment pouvant ralentir tout processus d’entente.