Or noir contre terres noires

 

La Libye convoite les terres noires d’Ukraine. L’accord n’est pas encore finalisé, mais il pourrait intervenir dans les prochains mois.

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Ce projet est en chantier depuis une année. Il revient sur le devant de la scène suite à la visite de Ioulia Timochenko, le Premier ministre de l’Ukraine, fin mai à Tripoli. Confrontée comme l’Arabie Saoudite à un problème d’accès à l’eau, la Libye cherche à sécuriser son approvisionnement en céréales en délocalisant son agriculture. Cela tombe bien, comme le premier producteur de brut au monde, la Jama Ismailia dispose de la précieuse huile indispensable pour faire tourner les économies contemporaines. Il s’agit d’une contrepartie qui a aimanté l’Ukraine car son ancien mentor de l’ère soviétique, aujourd’hui la Russie, n’est plus un fournisseur fiable.

En Libye, le Premier ministre ukrainien a cherché à obtenir des gages sur le plan énergétique. C’est en partie fait avec un accord en bonne et due forme signé fin mai pour la livraison de 600 000 tonnes de brut à la plus grande raffinerie du pays, celle de Kremenchug gênée par la suspension des livraisons du pétrole russe. Ces accords d’Etat à Etat font davantage penser à un grand marchandage pétrole contre nourriture qu’à une opération de spoliation des terres comme sont parfois ressenties les initiatives prises dans les pays d’Afrique noire où le secteur agricole est incapable de couvrir les besoins des pays ciblés.

L’Ukraine est a contrario un grand pays agricole. Un pays qui a déjà exporté cette année 22 millions de tonnes de blé, c’est-à-dire plus que l’ensemble des exportations de l’Union européenne. Les terres arables disponibles ne sont pas toutes exploitées. C’est pourquoi la venue d’un nouvel opérateur n’est pas préjudiciable à la production actuelle. L’Ukraine pourrait même en profiter en pénétrant davantage les marchés africains via sa tête de pont libyenne. Reste à finaliser ce qui n’est encore qu’un accord politique. L'élection présidentielle ukrainienne prévue à l'automne prochain pourrait donner un nouveau souffle à la négociation. Ioulia Timochenko, candidate au scrutin a intérêt à afficher des résultats sur le plan énergétique, au prix de quelques arpents de terre : 100 000 hectares dans un premier temps.