L'avenir du Mécanisme de Développement Propre sera africain!

  

L'AVIS DE L'EXPERT: Fabrice Le Saché, d’Ecosur Afrique .
 
 
Le cap des 300 millions de tonnes de CO2 évitées grâce au Mécanisme de Développement Propre a été franchi au début du mois. Sans la participation du continent africain, ou presque !! Pourtant le continent a des atouts à faire valoir  estime le directeur associé d'Ecosur Afrique.
 
 
 
 
 
 
LE CONTEXTE :
 
Au G8 réuni en ce moment en Italie, les dirigeants des pays les plus riches, de loin les plus grands pollueurs, se sont engagés à réduire de 80% leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Une volonté qui passe aussi par la collaboration des pays émergents, grâce au Mécanisme de Développement Propre. Un outil mis en place en 2005, après l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto. Son principe : chaque fois qu’un projet industriel visant à réduire les gaz à effets de serre est lancé dans un pays en développement, il bénéficie de crédit carbone vendu à une société basée dans l’hémisphère nord. Une société ivoirienne, la SITRADE, vient d’obtenir l’agrément MDP … lire la suite
 
L'AVIS DE L'EXPERT:
 
A ce jour, 1707 projets ont été enregistrés par le Conseil Exécutif du MDP ; plus de 6000 sont en cours de développement. Les principaux pays hôtes sont la Chine, l’Inde et le Brésil.  Pour la seule année 2008, les marchés du carbone ont totalisé près de 100 milliards de dollars US de transactions contre 60 milliards au titre de l’année 2007. 
 
L'Afrique de l'Ouest et l'Afrique Centrale, malgré un potentiel réel,  sont totalement absentes des marchés de la finance environnementale (moins de 2% du marché). De nombreux projets pourraient être développés dans les secteurs du traitement et de la valorisation des déchets urbains et industriels, de l’efficacité énergétique, de la substitution de combustibles fossiles, des énergies renouvelables, de la production de ciment mélangé, de la reforestation, des biocarburants, des transports…
 
Les professionnels du commentaire s’appuient sur la situation actuelle de l’Afrique pour dénoncer les carences structurelles des régions mentionnées et concluent - trop - rapidement à l’impossible diffusion du MDP sur le continent. Sans naïveté excessive, nous affirmons, au contraire, qu’il est non seulement possible, mais également souhaitable, que l’Afrique dispose et mette en œuvre des technologies vertes de dernière génération grâce à l’appui financier de la vente de réductions d’émissions.  
 
De nombreux efforts, notamment de diffusion de l’information, sont actuellement réalisés. Des initiatives d’envergure sont engagées par les institutions régionales telles que la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) et la Banque de Développement des Etats d’Afrique Centrale (BDEAC). Le Fonds Africain des Biocarburants et des Energies Renouvelables (FABER) en est une illustration parfaite : levée de fonds de 200 M. USD en cours pour des projets sociaux et environnementaux auprès d’investisseurs privés.
 
Les industriels opérant sur le continent africain prennent également conscience des gains pouvant être réalisés et améliorent leurs outils de production et pour certains, réinvestissent dans des secteurs innovants tel que celui des énergies renouvelables (valorisation de la biomasse, solaire, éolien). A titre d’illustration, on notera qu’Ecosur Afrique travaille, au quotidien, sur des projets aussi divers que la cogénération à partir de bagasse (Compagnie Sucrière Sénégalaise), l’utilisation de bois d’hévéa comme énergie renouvelable (Groupe SIFCA), la réduction de clinker dans la production de ciment (Dangote Cement), le traitement et valorisation de déchets urbains (Abidjan, Conakry, Dakar, Douala, Lagos), la conversion de turbines à gaz en cycle combiné.
 
Autant d’exemples qui démontrent qu’une dynamique vertueuse fondée sur des réussites concrètes est en train de naître. Ce mouvement doit d’autant plus être consolidé, que les projets évoqués ci-avant concourent à la réalisation d’objectifs macro-économiques et géopolitiques : diminution de l’exposition aux variations du prix des énergies fossiles dans un contexte structurellement haussier ; sécurité des approvisionnements et indépendance énergétiques ; soutien et renforcement du tissu industriel national ; transferts de technologies, création d’emplois, amélioration du cadre de vie des populations.
 
 
 
Il est d’autant plus regrettable qu’au moment même où l’Afrique investit la finance carbone certains Etats ou ONG dénoncent, sur des fondements idéologiques, le rôle des marchés environnementaux. Dénoncer un système qui a démontré, en moins de quatre années, sa capacité à drainer des milliards de dollars d’investissements pour des projets utilisant des technologies propres dans les pays en développement nous semble aller à l’encontre du bon sens.
 
Plutôt que d’attaques idéologiques stériles, notamment sur le rôle des marchés dans la contribution aux efforts de réduction des émissions, il conviendrait d’exercer un soutien critique afin de renforcer les contrôles visant à s’assurer de l’intégrité environnementale du système et à réorienter les efforts vers des secteurs et/ou pays jugés prioritaires par la communauté internationale. N’oublions pas que les pays les moins avancés seront les plus durement touchés par les conséquences du changement climatique. Intensification des catastrophes naturelles, raréfaction des ressources en eau, exacerbation des conflits, insécurité alimentaire, flux migratoires chaotiques et déséquilibres territoriaux, les conséquences sont connues.
 
 
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