L’étain congolais, nerf de la guerre ?

 

L’une des plus anciennes sociétés présentes en République Démocratique du Congo dans le négoce de l’étain jette l’éponge sous la pression des Nations Unies.
 
 
La semaine dernière la société belge Traxys a annoncé la suspension de ses achats de cassitérite en République Démocratique du Congo. Ce minerai extrait dans la province du Kivu se transforme par raffinage en étain. Cette décision a contribué à faire grimper les cours du non ferreux. Nous en parlions dans la chronique du 7 mai .
 
Présente depuis 1919 dans ce pays, cette société supporte mal les soupçons que font peser sur elle le rapport publié en décembre par les Nations Unies (les experts ont enquêté sur les sources du financement des groupes armés). Son représentant à Bruxelles n’a pas voulu se prêter à une interview radio diffusée. Ce qu’une source sûre laisse entendre, c’est que la société ne renonce pas encore à cette origine. Elle attend que les conditions soient réunies pour pouvoir commercer sans essuyer le feu de la critique. En clair qu’une cartographie de l’extraction « propre » soit établie pour éviter tout amalgame.
 
En principe l’acheteur belge qui exporte la cassitérite en toute légalité prévient ses intermédiaires (des comptoirs ayant pignon sur rue) lorsqu’il est informé qu’un gisement est passé sous le contrôle des seigneurs de la guerre. Difficile de garantir à 100% la traçabilité d’un minerai extrait dans une province où l’Etat central est totalement absent. Où le nombre et l’identité des intermédiaires ne sont pas clairement établis. La méthode opératoire retenue jusqu’à maintenant est aléatoire. La cartographie n’est pas non plus la panacée. Elle ne lèvera pas toutes les zones d’ombres si elle n’est pas régulièrement réactualisée. Elle aura au moins l’avantage d’offrir un parapluie aux négociants suspectés de tirer partie de la situation de guerre civile.
 
Si Traxys se met en veilleuse, en revanche d’autres sociétés, plus discrètes, n’ont pas ces scrupules. Des belges, des suisses-allemands mais aussi des Indiens et des Chinois sont aujourd’hui présents dans la filière de l'étain, ravis sans doute de prendre le relais de ce gros acheteur. 
 
Selon plusieurs négociants présents au Congo depuis plusieurs décennies,  l’extraction de la cassitérite et des autres minerais comme le tungstène ou le tantale n’est pourtant ni le nerf ni la cause de la guerre. L’or ou le diamant fournisse des revenus nettement plus juteux à ces armées de fortune avides de fonds pour financer leur armement.  Que le conflit prenne sa source dans la captation de la rente minière laisse plus d’un opérateur sceptique. L’extraction de la cassitérite, exclusivement artisanale, existe depuis le début du XX ième siècle sans avoir suscité de velléités guerrières jusqu’à ce que la guerre éclate en République Démocratique du Congo. Un climat pacifique favorisera l’essor de cette activité. Et non l’inverse comme on pourrait finir par le croire.

1 Comments

Merci Dominique Baillard pour ton analyse. Le problème de la RDC est que ses ressources ne profitent ni au pays, ni aux citoyens Congolais mais plutôt aux seigneurs de guerre qui contrôlent les régions minières, jouissent de l'impunité...Hier, c'était le coltan, aujourd'hui c'est l'étain...On ne voit toujours pas les autoroutes sortir des terres comme promis par les chinois. Le troc matières premières contre autoroutes et dispensaires tardent à se réaliser. Dans le le reportage diffusé sur Canal+ " le sang du portable" prouve à dessein que le coltan (ou colombo-tantalite) est, l’un des minerais les plus pillé au Congo. D’énormes cargaisons sont transportées, de nuit comme de jour, de l’Est du Congo vers le Rwanda. Une fois à Kigali, où s’approvisionnent des groupes mafieux, des multinationales et certains Etats, ces cargaisons sont ensuite dirigées par bateaux vers la Belgique, notamment vers le port d’Anvers ou d’Ostende. La destination finale étant la ville d’Hambourg, en Allemagne, ou celle d’Ulba, au Kazakhstan où le coltan volé dans les mines du Congo est confié pour traitement à des usines spécialisées.

Les voleurs et les receleurs des matières premières stratégiques du Congo se cachent derrière la lutte interethnique du Kivu. Le comble est que toutes les entreprises citées dans le rapport de l'ONU sur le pillage des ressources en RDC, aucune n'a jamais été inquiété c'est le cas de Traxys. Le cas de la RDC est désespérant car on ne sait à qui se confier: l'Etat est inexistant, les résolutions de l'ONU non appliquées, les congolais apprauvris et pauvres, les Seigneurs de guerre amnistiés et au pouvoir...