Epitaphe pour une banane

L'AVIS DE L'EXPERT: Denis Loeillet, chercheur au Cirad

Depuis vendredi les producteurs de banane des pays ACP se sentent orphelins. Ils ne disposent plus d'un tuteur pour pénétrer le marché européen, leurs concurrents latino-américains ont obtenu gain de cause auprès de l'OMC. Une concession à la sacro-sainte loi du libre échange regrette Denis Loeillet. Cet expert du marché de la banane fait l'oraison funèbre du défunt système.

Ce point de vue sera diffusé dans le mensuel Fruitrop disponible à partir du premier janvier. 

 

1993-2009 : ci-gît l’OCM Banane.

 Enterrée à Genève en l’an de grâce 2009, l’Organisation commune des marchés de la banane s’est longtemps battue contre la maladie : la déréglementation. Conçue par douze Etats en 1992, à la veille du grand marché unique européen, elle naquit le 1er juillet de l’année suivante. Toute petite déjà, elle eut à affronter les infections. Au stade prénatal en juin 1993, puis dans sa petite enfance en juillet 1994, elle dut répondre devant le GATT de crimes de lèse-majesté envers le sacro-saint libre-échange. Après avoir fait œuvre de contrition et largement fait évoluer son attitude, elle pensait avoir prouvé sa grande utilité. Mais c’était loin d’être le cas aux yeux de ses ennemis latino-américains et nord-américains qui lui intentèrent un nouveau procès en sorcellerie commerciale à partir de février 1996. Sanctionnée, mise au ban de l’OMC, elle plia à nouveau en 2001 devant l’insistance de l’Equateur et des Etats-Unis. Ce nouveau coup visait à la priver, à partir du 1er janvier 2006, d’un de ses moyens d’action le plus efficace dans sa quête d’une gestion intelligente du marché bananier européen : les contingents. En grande partie vidée de son sens, elle débuta sa lente agonie. Un droit de douane (176 euros/tonne) remplaça alors les quotas par zone de production. Mais la gangrène installée prospéra rapidement. La dégressivité du droit de douane (114 euros/tonne à l’horizon dix ans) fit son chemin malgré les interventions de quelques médecins français et ACP à son chevet. Grabataire, elle fut achevée par la Commission européenne, l’OMC, les pays latino-américains et les Etats-Unis le 15 décembre 2009, et jetée à la fosse commune avec quelques autres organisations de marché. Néanmoins, ses apôtres pensent qu’elle hantera encore longtemps les esprits du monde bananier et que tous viendront un jour faire amende honorable et déposer pleurs et couronnes à ses pieds.